dimanche 25 janvier 2015

A propos du 11 novembre...


   A chacun son armistice... Jusqu'à mes 26 ans, le 11 novembre n'était pas une date fériée. Tout au plus, fêtions-nous officiellement le 7 novembre, anniversaire de la Grande Révolution d'Octobre en Russie. La Hongrie, en tant que composante de l'Empire Austro-Hongroise, avait fait partie des vaincus de la Grande Guerre; ainsi, un silence pesant recouvrait l'événement. Sous cette chape de plomb, les rancunes tenaces et douloureuses étaient maintenues éveillées comme la braise sous les cendres, par les histoires racontées dans des soirées en famille. Officiellement, les Roumains, les Slovaques, les Serbes et autres Ukrainiens faisaient partie de la famille communiste, chapeautée par le Grand Aîné l'URSS, tous des frères, mais la légende familiale nous apprenait la Hongrie mutilée par le traité de Versailles, 2,5 millions de Hongrois devenus subitement minoritaires dans leur propre pays, d'un trait de plume vengeresse. L'histoire officielle enseignée à l'école ne s'étendait pas sur ce fait, recouvrant d'un voile pudique les possibles hostilités.

   Dans ma famille, aucun esprit irrédentiste n'était de mise. Chaque génération a eu sa dose de guerre mondiale, la première pour mes grands-pères, la seconde pour mon père. Lorsque j'ai connu Gilbert, nous nous sommes dit que nos parents et grands-parents auraient pu se tirer dessus, et avec un petit jeu d'uchronie, nous ne nous serions jamais rencontrés...

   Lesdites légendes familiales ont également ancré en moi la leçon que le petit peuple chair à canon choisit rarement son ennemi : des forces supérieures décident de son sort et lui dictent qui il faut égorger ou par qui se faire égorger par malheur... Mes anciens ont unanimement insisté : leur seul souci a été de rentrer chez eux le plus tôt, le plus indemne possible, avec le sentiment que ceux d'en face souffraient des mêmes maux... Je les ai racontés sur ce blog dans les premiers chapitres de mes "Bribes de mémoire..."


Alors, en ce jour de commémoration, je m'incline devant toutes les victimes des tueries orchestrées au nom des intérêts qui, la plupart du temps, échappent largement à ceux qui en sont les premières victimes...
*sur la photo, mes grands-parents paternels avec ma tante, en 1916, mon grand-père en permission

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