mercredi 10 juillet 2013

Coquille (29 septembre 2011)


  Je suis femme de ménage. Technicienne de surface, si vous voulez. Agent d'hygiène, encore plus ronflant, plus hypocrite. La vérité est que je débarrasse les déchets derrière mes frères humains qui, de ce fait, n'ont aucun scrupule à en semer partout.
   J'opère la nuit, lorsque les locaux, énormes cages de verre insonorisées, à air recyclé sont désertés, silencieux sous les néons de morgue. Je pousse mon chariot dont le grincement érafle le calme nocturne: la roue arrière gauche déséquilibrée, sans doute. Je ne fais rien pour y remédier. J'ai tant d'autres chats à fouetter!...
   Une façon de parler. Il n'y a même pas un chat qui m'attend dans la tanière que je regagne sous le ciel rose pâle. Rien n'a bougé pendant mon absence. Un désordre mesuré et réconfortant, vivant. Aucune trace hostile. 
   Mes livres occupent tout l'espace disponible, même au-delà. Mon refuge, mon évasion. Ils me transportent vers d'autres vies que la mienne, devenue purement et simplement le réceptacle de ces rêves. Un réceptacle et rien d'autre. Coquille vide.
   Dans la salle de bain, une seule brosse à dents. Plus de rasoir qui traîne, ni de cheveux noirs dans le lavabo. Je suis rousse.
   La corbeille à linge n'abrite plus que mes vêtements que je lave et repasse comme bon me semble, personne ne me presse. Aucune critique acerbe et malveillante qui fuse, aucune petite flèche maligne lorsque mon doigt touche la mince pellicule de poussière sur la table basse...
   Mon lit reste ouvert, je m'y laisse glisser le matin et je tente de réchauffer les draps. Un lit monacal, tout juste assez large pour une personne: heureusement, je ne suis pas trop épaisse... Dans mon cocon, il n'y a pas de place pour un intrus.
   Femme de ménage, statut peu brillant pour celle que j'ai été, il n'y a pas si longtemps, dans une autre vie. Dans une prison dorée. Sous l'oeil inquisiteur de mon tortionnaire personnel. A plein temps.

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