22 août 2008
Une effervescence palpable précède cet événement majeur de l'hiver: on prépare les ustensiles remisés le reste de l'année, on frotte le grand chaudron qui ne sert qu'à ce moment-là et qui attend au grenier, recouvert de l'intérieur d'une fine couche de graisse pour empêcher la rouille. Les divers récipients destinés à recueillir les morceaux de viande préalablement frits dans le saindoux bouillonnant avec lequel on les recouvrira, pour une conservation "sous vide"; la grande bassine en bois pour malaxer la chair à saucisse hâchée maison avec de l'ail, du paprika en poudre, du poivre, du sel, du cumin - tous ces subtils parfums qui lui donnent le goût inimitable et introuvable sur un autre point du globe...
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"sacrifice estival" : les 4 protagonistes ne sont plus... |
Les gestes sont habiles et rapides pour éviter les souffrances inutiles. On recueille le sang frais dans une bassine pour en préparer un petit déjeuner succulent. Ah, je vous vois frissonner d'horreur devant ces "coutumes barbares" mais en allant au bout de la logique de cette sensiblerie à la mode, pourquoi n'hésiterait-on pas de croquer une carotte de peur d'entendre ses cris? La vie d'un végétal serait-elle moins respectable?...
Bien sûr, on fait revenir le sang dans de l'oignon et de l'ail dorés, juste quelques minutes pour qu'il ne dessèche pas et cela constitue la première pause déjeuner. La peau du cochon rosit sous la braise d'une feu de paille (ou d'une brûleur à gaz plus tard, temps modernes obligent), les poils et autres impuretés débarrassés, la peau frottée, lavée, brossée plusieurs fois, avant d'ouvrir les entrailles pour récupérer et détailler tout ce qui est consommable. Nous, les enfants, sommes associés à la tâche, initiés comme pour les autres domaines de la vie quotidienne. L'épaisse couche de la neige immaculée entoure la scène sous le ciel sans étoiles de la nuit hivernale.